Champs d'observation et laboratoire des fictions Intervention de Rémi Dall'Aglio avec les deuxième année, dans le cadre de l'atelier hybride 2007. ESPACE DOCUMENTAIRE |
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PHYSIQUE
FORMES EXPERIENCES DISPOSITIFS ET MACHINES
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Les ombres et la perception des formes ¦ VILAYANUR RAMACHANDRAN Les ombres révèlent la nature tridimensionnelle des formes. Pour en simplifier l ' interprétation, le cerveau considère que toute image n 'est éclairée que par une seule source de lumière.
Nous interprétons les trois dimensions de l'espace à partir de deux images à deux dimensions : celles qui se forment sur nos rétines. À partir des couleurs et intensités lumineuses enregistrées, notre cerveau reconstruit relief et profondeur. Il se fonde sur certaines indications contenues dans ces images rétiniennes, notamment la position des ombres, la perspective, l'occultation partielle d'un objet par un autre et la stéréoscopie. Une des principales tâches des neurophysiologues est d'élucider les mécanismes cérébraux qui permettent ce prodige. De tous les mécanismes utilisés par le système nerveux pour reconstituer une image du monde à trois dimensions, celui se chargeant de l'interprétation des ombres est probablement le plus primitif. En effet, chez de nombreuses espèces animales, les parties ventrales du corps ont évolué vers des couleurs claires, probablement pour que ces espèces soient ainsi moins visibles des prédateurs. Ce processus de « désombrage » atténue la lisibilité des ombres avec au moins deux avantages : la réduction du contraste avec l'environnement immédiat et « l'aplatissement » de la forme perçue de l'animal. La généralisation de cette propriété, en particulier chez les poissons, illustre l'importance des ombres dans la perception des formes en trois dimensions. Si les peintres utilisent depuis longtemps les ombres pour donner de saisissantes impressions de profondeur, les psychologues ne se sont guère intéressés aux mécanismes cérébraux d'interprétation des ombres. Nous avons mis au point des expériences destinées à l'élucidation de certains de ces mécanismes. Nous avons d'abord constitué, à l'aide d'un ordinateur, une série d'images synthétiques. Chacune de ces images est composée d'un certain nombre de figures simples, disposées de telle façon que seules de légères nuances dans la répartition des ombres donnent une impression de relief. Nous avons choisi des figures et des dispositions simples, afin de dégager les mécanismes de base de l'interprétation des ombres, indépendamment de tout autre mécanisme d'ordre supérieur susceptible d'intervenir dans la vision du relief. Les figures utilisées sont des disques partiellement ombrés, donnant une sensation de relief {voir la figure la). On les perçoit toutefois soit comme s'ils étaient protubérants (comme des oufs), soit comme s'ils étaient en creux (comme les alvéoles d'une boîte à oufs). Cette ambiguïté provient de ce que le cerveau, ignorant la position de la source lumineuse, interprète les ombres de différentes façons ; on peut ainsi « inverser » à volonté le relief de ces figures en modifiant mentalement l'angle d'éclairage. On constate avec surprise que quand on inverse mentalement le relief d'une des figures, le relief de toutes les autres s'inverse également. Ce phénomène est important, car il y a deux interprétations possibles : soit nous avons tendance à voir toutes les figures d'un même ensemble avec le même type de relief (en l'occurrence toutes concaves ou toutes convexes), soit la perception du relief est une conséquence d'un mécanisme plus général, le cerveau admettant tacitement que l'ensemble de l'image n'est éclairé que par une seule source de lumière, d'où une interprétation identique des différentes ombres. Pour tester ces hypothèses, nous avons mis au point un assemblage de deux rangées de figures deux à deux symétriques {voir la figure lb). Dans ce cas, la symétrie des formes provoque une symétrie du relief perçu : si les figuresd'une des rangées apparaissent convexes, celles de l'autre rangée semblent automatiquement concaves. Une source lumineuse unique Cette expérience apporte deux enseignements. D'une part, l'interprétation des formes à partir des ombres n'est pas purement locale, mais globale, et fait appel à une grande partie du champ visuel, sinon à sa totalité. D'autre part, il semble que le système visuel considère a priori que la scène est éclairée par une source lumineuse unique ; cela est naturel, car le cerveau humain s'est développé dans un environnement où le Soleil fut longtemps la seule source de lumière. Ces constatations sont confirmées par des dessins plus complexes représentant un tube ondulé blanc, éclairé latéralement {voir la figure le). Cette forme apparaît presque toujours convexe, peut-être en raison de certains indices subtils, comme le masquage d'une partie du tube par une autre, ou parce que l'on a tendance à interpréter ce type de figure comme convexe. Curieusement le relief des deux disques superposés au tube n'est plus ambigu : l'un est clairement en relief et l'autre en creux. Il semble que lorsque certains détails d'un objet permettent au cerveau de déterminer la direction de la source de lumière, on interprète ensuite le relief du reste de l'image conformément à ce type d'éclairage. Non seulement le système visuel suppose que la source de lumière est unique, mais aussi que cette lumière (comme le bon exemple) vient d'en haut. Pour s'en rendre compte, il suffit de regarder la figure 3, où deux groupes de disques ombrés sont identiques, à la différence près que certains sont orientés vers le haut et les autres vers le bas.
© POUR LA SCIENCE N° 132 OCTOBRE 1988 1. SPHÈRES OU CAVITÉS ? Tout dépend de la direction d'où vous semble venir l'éclairage. On peut ainsi inverser le relief des différentes formes (à) en déplaçant mentalement la source de lumière de gauche à droite. Dans l'autre série (b), le relief de chaque rangée est ambigu, mais dès que l'on voit une rangée convexe, l'autre apparaît aussitôt concave, et inversement. Il est pratiquement impossible de les voir simultanément convexes ou concaves. Le dessin plus complexe (c) donne l'impression d'un boudin éclairé par la droite. L'interprétation des deux disques se conforme au schéma général d'éclairage : celui du haut paraît saillant et celui du bas en creux. Cette dernière expérience a été réalisée par l'auteur, Dorothy Kleffner et Steven Cobb. 2. LE CERVEAU ADMET généralement que la lumière vient du haut. C'est pour cette raison que les objets du groupe a paraissent convexes, et ceux du groupe b concaves. Si l'on tourne la page d'un demi-tour, les reliefs s'inversent. On obtient le même résultat en remettant la page à l'endroit, mais en se tenant la tête en bas. C'est donc la position de la page par rapport à la rétine qui intervient dans la détermination du sens de l'éclairage, et non sa position par rapport à l'environnement.
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