Champs d'observation et laboratoire des fictions

Intervention de Rémi Dall'Aglio avec les deuxième année, dans le cadre de l'atelier hybride 2007.

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Le casse-tête de l'unification des forces

C'est l'un des Graals des physiciens : démontrer qu'à l'instant primordial du Big Bang, les forces qui régissent la nature se fondaient en une seule. Une même force capable de donner naissance au temps, à l'énergie, à la matière. Le scénario est simple. Mais est-il exact ? La théorie unifiée des forces de l'Univers est une partition qui reste pour une large part à composer, et sa vérification est d'une complexité inouïe.

Pour bien comprendre les enjeux, un rapide retour en arrière s'impose. Commençons au XVIIe siècle, lorsque Newton caractérise la première force 1 de la nature, qui réunit le

Lors de la radioactivité bêta , un neutron se désintègre en donnant naissance à un proton. Un électron et un antineutrino sont alors émis.

mouvement de la Lune et celui de la chute d'une pomme en une loi unique : celle de la gravitation universelle. Deux siècles plus tard, c'est Maxwell qui décrit la seconde force qui régit notre monde : la force électromagnétique. Elle unifie les forces électrique et magnétique et agit entre tous les objets qui possèdent une charge électrique. Puis, entre 1896 et 1898, la radioactivité est mise à jour. Elle ouvre la porte à la découverte de deux nouvelles interactions qui siègent au cour du noyau de l'atome : la force nucléaire faible, responsable de la radioactivité bêta et de la luminosité du Soleil, et la force nucléaire forte, qui permet la stabilité des noyaux atomiques. Cette dernière est très intense mais de très courte portée 2 . Voilà donc l'Univers régi par quatre forces de base. Mais l'unité est la plus simple expression de l'ordre. Les physiciens se prirent donc à imaginer des théories où les quatre interactions seraient réunies en une seule et même superforce, quête ultime de la physique. Ils sont convaincus que ces quatre interactions pourraient incarner les différentes facettes d'une seule et même pièce qui aurait régné en maître dans les tout premiers instants du Big Bang. La gravitation aurait la première pris son autonomie à une température de l'ordre de 10 32 °C. Viendrait ensuite la séparation de l'interaction nucléaire forte. La température flirte avec les 10 28 °C. À 10 -10 seconde, la force faible se sépare de son homologue électromagnétique. La température atteint les 10 15 °C. Les quatre forces sont nées. Magnifique construction de l'esprit, mais qui reste à démontrer.

En remontant le fil du temps et des énergies, trois physiciens de génie, les Américains Sheldon Glashow et Steven Weinberg et le Pakistanais Abdus Salam - qui furent d'ailleurs récompensés par le prix Nobel de physique en 1979 - ont réussi à unifier la force nucléaire faible avec la force électromagnétique (portée par le photon) en une seule et même interaction, baptisée « électrofaible ». Pour réaliser cette union pourtant improbable, les trois chercheurs ont dû imaginer l'existence de particules porteuses de cette interaction, qu'ils appelèrent bosons intermédiaires W + , W - et Z° ( voir enquête 10 ). La théorie permit même de doter les bosons W + , W - et Z° de masses - respectivement 80 et 91 milliards d'électronvolts 3 . Une interrogation de taille subsistait : pourquoi, alors que force électromagnétique et interaction faible sont supposées être les deux facettes d'une même force, la particule qui porte la première n'a pas de masse alors que celles qui portent la seconde en ont une, énorme qui plus est ? Problème donc, dont la solution fait appel à un mécanisme élaboré par Englert, Brout et Higgs en 1964 : selon ce mécanisme, il y a eu, au moment de la séparation des deux forces, une « brisure de symétrie » qui donne une masse aux bosons W + , W - et Z°, mais pas au photon. Un tel phénomène nécessite l'existence d'une nouvelle particule, le boson de Higgs, qui vient alors compléter le tableau, afin de rendre la théorie électrofaible cohérente. Mais cette belle construction restait à prouver, et l'expérience devait venir au secours des théoriciens. Ce fut partiellement chose faite en 1983, lorsque Carlo Rubbia et Simon van der Meer mirent directement en évidence dans l'anneau de l'accélérateur SPS (Super Proton Synchrotron) du Cern les bosons W + , W - et Z°. Cela leur valut d'ailleurs le Nobel 1984. Reste donc à identifier le fameux boson de Higgs, dont la masse, selon les calculs théoriques, devrait être inférieure à 1 TeV 4 . Si tout va bien, la clef de voûte de l'unification électrofaible pourra être mise en évidence à partir de 2007 au grand collisionneur de hadrons (LHC, pour Large Hadron Collider) du Cern, dont les faisceaux auront une énergie de deux fois 7 TeV. Et du même coup, ce qu'on appelle le « modèle standard de la physique des particules », qui décrit aujourd'hui les constituants de la matière et leurs interactions, s'en trouverait fortement consolidé.

L'étape suivante consiste en principe à relier l'interaction forte au tandem électrofaible. « C'est ce que vise à réaliser la théorie de la grande unification », précise Jean Iliopoulos, de l'Académie des sciences et de l'École normale supérieure. « Ici, il faut invoquer une nouvelle symétrie subtile. Les quarks, constituants élémentaires des nucléons du noyau atomique et sensibles à l'interaction forte, viendraient à échanger leur "personnalité" avec celle des leptons légers, tels que l'électron ou le neutrino, sensibles à la force faible. » Pour le profane, c'est un peu le mariage de la carpe et du lapin. « Mais pour les experts, une étape originale s'amorce, qui nous conduit vers des niveaux d'énergie colossaux. » La force ainsi unifiée est baptisée électronucléaire. Un ingrédient supplémentaire doit probablement être ajouté. L'idée de supersymétrie, défendue par Pierre Fayet, de l'École normale supérieure, consiste notamment a échanger les rôles des particules du genre matière (fermions) avec ceux d'autres corpuscules, qui sont, eux, des bosons. « Au bilan, on se retrouve avec une famille de particules deux fois plus nombreuse : à chaque fermion de matière est associé un partenaire boson. Et chaque boson possède un compagnon fermion. » Les nouvelles particules sont lourdes. « Elles fournissent un excellent candidat pour la matière noire cosmique. » ( Voir encadré enquête 8 ) Ce qui est un bel avantage. Autre atout : « La supersymétrie aide à faire converger les intensités des trois forces non gravitationnelles aux hautes énergies. Ce qui est un signe de bon augure pour la réalisation de la grande unification. »

Reste LE plus gros morceau. Unir, si possible, la relativité générale d'Einstein, vision moderne de la gravitation qui s'applique à l'Univers, avec la mécanique quantique des particules, qui régit l'infiniment petit ( voir enquête 6 ). Le fruit de ce vrai casse-tête portera le nom de « théorie du tout ». Comment réunir ces deux extrêmes que tout oppose ? Ici, l'espoir renaît avec l'avènement de la théorie des cordes, ou des supercordes si on y allie la supersymétrie.

Premier principe : désormais, les objets élémentaires seront représentés par des entités mathématiques linéaires, donc à une seule dimension - les cordes, que l'on pourrait assimiler à de petits élastiques. Plus besoin d'une multitude de particules. Toutes seraient constituées de cordes - voire d'autres objets étendus, comme des membranes - et la manière dont elles vibreraient en ferait un électron, un quark, un photon, etc. Comme leur longueur prédite serait de l'ordre de 10 -35 mètres, nous ne sommes pas près de les approcher directement en laboratoire.

Second principe : ces cordes vibreraient dans un espace-temps à non pas quatre mais dix dimensions. Où sont passées ces dimensions cachées ? « Si l'on n'a jamais perçu leur existence, c'est qu'elles doivent posséder une longueur caractéristique infime ; pouvant être de l'ordre de 10 -35 mètres, explique Pierre Binetruy directeur du Laboratoire Astroparticules et cosmologie 5. Les dimensions de l'espace classiques sont infinies. Les dimensions supplémentaires, elles, doivent être imaginées enroulées et refermées sur elles-mêmes. » Autre problème : ce concept de cordes a donné naissance à plusieurs classes de théories en apparence différentes, qui restent en fait à élaborer plus concrètement et qui n'ont pas encore pu encore être vraiment confrontées aux résultats expérimentaux. La quête du Graal des physiciens a encore de beaux jours devant elle.

Frédéric Guérin


Accélérateur de particules du CERN

Grand collisionneur de hadrons (Large Hadron Collider, LHC).

 

Un accélérateur est généralement constitué d'une chambre à vide entourée successivement de pompes à vide , d' aimants , de cavités radiofréquence , d' instruments haute tension et de circuits électroniques . Chacune de ces pièces a une fonction bien spécifique.

La chambre à vide consiste en un tuyau métallique d'où l'air est continuellement pompé afin de maintenir une pression résiduelle aussi basse que possible.

A l'intérieur du tube, des particules sont accélérées par des champs électriques . De puissants amplificateurs produisent d'intenses ondes radiofréquence qui viennent alimenter des structures de résonance, les cavités radiofréquence (RF) . A chaque passage des particules à travers la cavité RF, une partie de l'énergie de l'onde radio leur est transferée et elles sont accélérées.

Afin de tirer le meilleur parti d'un nombre limité de cavités, les concepteurs d'accélérateurs forcent le faisceau de particules à passer plusieurs fois à travers celles-ci en faisant de sa trajectoire une boucle fermée. C'est pourquoi la plupart des accélérateurs ont une forme à peu près circulaire.

La courbure de la trajectoire du faisceau est généralement assurée par le champ magnétique d' aimants dipôles .

Comme la force magnétique s'exerçant sur des particules chargées est toujours perpendiculaire à leur vitesse, elle est idéale pour courber leur trajectoire ! Plus l'énergie de la particule est élevée, plus le champ nécessaire est intense. Etant donné que le champ magnétique maximum est limité (à environ 2 tesla pour les aimants classiques et à 10 tesla pour les aimants supraconducteurs), cela signifie que plus la machine est puissante, plus elle doit être grande.

Courber le faisceau ne suffit pas, il faut aussi le focaliser. Tout comme un faisceau lumineux, un faisceau de particules livré à lui-même a tendance à diverger. Focaliser le faisceau consiste à maintenir sa largeur et sa hauteur de telle sorte qu'il reste à l'intérieur de la chambre à vide. On obtient cela grâce à des aimants quadrupôles, qui agissent sur le faisceau de particules comme le ferait une lentille sur un faisceau de lumière.

Tels sont, pour l'essentiel, les ingrédients de base nécessaires à la construction d'un accélérateur. Si vous regardez autour du PS du CERN, par exemple, vous verrez cependant d'autres d'objets, tels que :

  • d'autres aimants (pour "affiner" la trajectoire ou la focalisation)
  • des éléments d'injection / extraction (pour faire entrer ou sortir le faisceau de l'accélérateur)
  • des appareils de mesure (pour fournir aux opérateurs des informations sur le comportement du faisceau)
  • des éléments de sécurité.

En savoir plus sur le site didactique du CERN


 

Le principe d'une chambre à bulles (détecteur mis au point en 1953 par le physicien américain Glaser, prix Nobel de physique en 1960) est le suivant : un liquide (souvent de l'hydrogène) placé dans une chambre, est comprimé par un piston (phase (1), figure ci-contre) ; sa température est supérieure à sa température d'ébullition sous la pression atmosphérique, mais inférieure à sa température d'ébullition sous la pression à laquelle il se trouve placé. Juste après le passage de la particule à détecter, on détend le piston (pendant 1 ms environ, phase (2)), et le liquide revient à la pression atmosphérique. L'ébullition débute autour des ions créés par la particule. Si on éclaire par un flash et que l'on photographie, la trajectoire est matérialisée par un chapelet de petites bulles.

Chambre à bulles

image montrant les interactions entre particules dans une chambre à bulles